mardi 8 mai 2007

Petite histoire camarguaise

Petite visite aux silures camarguais
Ou
Les aventures des nouveaux pieds nickelés



Toute ressemblance avec des personnages ou des événements connus n’a rien de fortuit et n’est absolument pas due au hasard. L’auteur s’expose d’ailleurs aux foudres terribles des protagonistes de ce petit récit, mais cela fera probablement l’objet d’une autre histoire.



Les premiers arrivés étaient Esux, un mécano surdoué qui avait choisi de se recycler dans l’ordre et la sécurité, et le serpent belge, un gringalet ne rêvant que d’une chose, habiter en Camargue pour plus profiter de ses jolies filles et de ses silures. Non pas qu’ils soient les plus près mais ils avaient choisi de voyager de nuit… à moins qu’ils n’aient déjà une petite idée derrière la tête… mais nous verrons cela un peu plus tard.
Les suivirent un peu plus tard et dans le désordre le plus total le gros Ross, une espèce de garde champêtre plus large que long, court sur patte et au fort accent méridional, Titin, grand échalas rigolard tout droit sorti des brumes du lac du Der, Esprit libre, sujet de sa gracieuse majesté Albert II, roi des belges, sortant une plaisanterie (belge, bien sur) à la minute et PierrotG35, jeune lyonnais à priori fort sympathique qui, non seulement ne buvait pas l’apéro mais, de plus, refusait absolument de manger la nourriture sacralisée du pêcheur, le saucisson.
La plupart de ces personnages ne s’étaient jamais rencontrés que par internet, par le biais d’un site plus ou moins bien tenu par une espèce de vieux moutard motard se prénommant Marhu (tu parles d’un nom, y en a qui ont pas de chance…). Leurs seuls liens étaient la passion de la pêche du silure et le forum sur lequel ils laissaient libre cours à leurs incessantes questions concernant les infimes détails du montage des lignes…

Tout ce petit monde s’installa tant bien que mal avec un fatras de cannes, bateaux et ustensiles divers au milieu d’un petit camping ( ?) ressemblant beaucoup plus à un terrain vague qu’à une résidence pour pêcheurs, même rustiques… Imaginez un peu un terrain au bord du petit Rhône dont les berges sont constituées de vieilles remorques à bateau pourries, de tuiles cassées et de vieux blocs de béton avec des arbres poussant de façon totalement anarchique et des herbes folles de près d’un mètre de haut ; telle était leur résidence de vacance.

Vinrent ensuite Maurin (du nom d’un célèbre bandit provençal) et Marx (pas Karl, un autre), les duettistes de l’high tech de la pêche à la ligne, tous deux ne se déplaçant jamais sans, au moins, trois mille euros de matériel à la main. Les accompagnaient deux carpistes bons vivants les aillant suivi par inadvertance en voulant goûter aux joies quelque peu bizarres de la pêche du silure et qui, voyant les carpes qu’ils dorlotaient habituellement servir de vif sur des hameçons gigantesques, se demandaient un peu ce qu’ils faisaient là.



L’aventure commence par la capture d’un silure que personne n’a jamais vu. Les premiers arrivants, Esux et le serpent belge déclarèrent en effet avoir capturé un poisson de un mètre soixante et, bien sur, remis à l’eau juste avant (quel hasard !) l’arrivée des autres… Ils produisirent pour preuve une photographie devant plus, à mon avis, à Photoshop qu’à la tactique dite « de la touche réflexe » dont se gargarisait ledit Esux… Que ne ferait on pas pour se prémunir de la bredouille…

Bref, les choses semblaient bien commencer, c’est après que ça se gâte…

Après que chacun de ces zigotos ai déchargé environ une demi-tonne de matériel, ce qui ajouta encore à la pagaille naturelle du camping, rappelons qu’ils n’étaient venus que pour quatre jours, vint la mise à l’eau des bateaux. Celui des deux premiers arrivants étant déjà à l’eau, se succédèrent sur l’infâme descente en béton toute tordue faisant office de cale de mise à l’eau Titin avec son Pap360 flambant neuf puis le gros Ross. Là, le spectacle était à la hauteur du terrain où ils allaient passer ces quelques jours : Sur une remorque toute tordue et bricolée (avec quel talent !!!???) se trouvait une espèce de petit youyou qui avait dû être, autrefois, un voilier et se trouvait maintenant reconverti gaillardement en bateau à moteur avec un GROS…4CV… Je crois que même un condamné à mort aurait refusé de monter là-dessus…

Les voilà donc tous partis, jurant qu’ils allaient ramener des dizaines de photos de leurs, inévitablement, multiples et énormes captures à Marx. Celui-ci voulant se transformer en Orson Welles silurien, il avait emmené, high tech oblige, ordinateur avec connexion à l’internet par satellite et tout un tas matériel photo et vidéo afin de les mettre en ligne au fur et à mesure.

Passées les premières vingt quatre heures de pêche, la pêche de nuit étant autorisée à cet endroit, des questions commencèrent à se poser et le doute de commencer à s’installer… Pas de poissons… ou si peu… quelques alevins, ou guère plus gros, de silures… L’eau est trop basse, la lune trop haute, le temps trop beau, à moins que l’eau ne soit trop mouillée… Bref, quelque chose ne va pas… Pourtant, ils déployaient toute leur science ( ?) de la pêche pour essayer de leurrer ces poissons qui, visiblement, n’étaient pas très coopératifs. Certains n’avaient pas hésité à faire faire mille kilomètres à des tanches et des carassins qui, pourtant, étaient peu enclins au voyage, surtout pour finir accrochés à des hameçons triples de 5/0 et promenés devant le nez d’un tigre géant à longues moustaches…C’est bien connu, ces poissons prennent rarement l’autoroute d’eux-mêmes… Peut être les silures n’étaient ils tout simplement pas au courant que leurs admirateurs les plus fervents étaient venus de toute la France et même de Belgique ? Qui avait oublié de le leur dire ?

Heureusement, ils avaient prévu de quoi se sustenter avec la commande d’une Gardianne de taureau pour un soir et de Veau en sauce aux pignons pour le lendemain, tout cela correctement arrosé de quelques crus plus que sympathiques apportés par les uns et les autres…

Qu’importe, demain ça va mordre, ça ne peut pas ne pas mordre avait dit, plein de confiance, PierrotG35. Paroles prémonitoires. En effet, le lendemain, presque à la surprise générale, il prenait quand même, en compagnie du retardataire Kiko06, jeune niçois dont on se demandait s’il sortait de l’école ou des barricades de mai 68, un silure albinos, certes pas très gros, il dépassait à peine les cent vingt centimètres mais qui avait le mérite d’avoir contribué un peu à relever le moral des troupes. Ragaillardies, les différentes équipes se remirent donc « au travail ». Les mêmes « alevins » récompensèrent les efforts de quelques uns mais visiblement les silures dignes de ce nom étaient occupés à autre chose…A force d’échafauder des hypothèses, la lumière vint : ILS SE REPRODUISENT !!! Sinon comment expliquer cette absence de touches quasi-totale, seuls ceux n’étant pas en age de frayer étant un peu mordeurs… La température de l’eau à 21°, le niveau de l’eau stable, le mois de mai pointant le bout de son nez, la solution était là !!! Evidemment, pour comparer, si on vous tendait un sandwich lorsque vous êtes en pleine « action », au moment fatidique, est-ce que vous le mangeriez, vous…

La nuit suivante fut un peu plus agitée. Esux et le Serpent belge avaient calées quatre cannes à la bouée, technique qui consiste à tirer sa ligne jusqu’à une bouée et tendre le fil qui est retenue par un « cassant » de 30 ou 40/100 afin de faire évoluer un vif colossal (jusqu’à trois ou quatre kilogrammes) juste sous la surface. Comme tous les soirs, ils espéraient ainsi capturer LE silure gigantesque qui hantait leurs rêves. A cinq heures du matin, Titin, qui dormait juste à côté, se réveilla et, peut être visionnaire, s’assit devant les cannes pendant que le bruit d’au moins une demi douzaine de tronçonneuses sortait des diverses tentes. Le gros Ross, toujours pas déconfit, était parti vers trois heures du matin à bord de son ex-voilier reconverti pour tenter une dérive aux vifs. Titin rêvait en regardant la nuit qui commençait à peine à donner des signes d’évanouissement quand, soudain, CLAC !!! Une cassant qui explose ! La canne se redresse puis se plie à nouveau, sous la pression de la touche. Il se lève d’un bond, ferre le poisson et crie, appelle à son secours les dormeurs qui essaient de sortir de leur tente en catastrophe. Esux s’empêtre dans son sac de couchage pendant que le Serpent belge déchire sa tente pour essayer de sortir. Titin sent une vie, une force qui pèse là-bas, de l’autre côté.
-« Ca ne semble pas énorme, pense-t-il, peut-être un mètre cinquante… »
Il appelle encore et veut s’avancer pour descendre vers le bateau. Là, tout à coup, un rush d’une puissance insoupçonnée le tire en avant, la canne se plie, se tord, le moulinet, qui, pourtant, était quasiment bloqué, se dévide et laisse sortir quarante ou cinquante mètres de tresse. Le grand bonhomme se trouve au bord, en surplomb des bateaux et en déséquilibre ; une seule solution, il saute, dévale comme il peut le raide talus et, d’un bond, se retrouve dans le bateau sans, miracle, n’avoir cassé quoi que ce soit. Le Serpent belge qui a réussi à faire un trou dans sa tente pour sortir descend en courant et saute aussi dans la barque. Titin lui rend sa canne, s’empresse de détacher la corde qui les retient au bord. Ouf ! Le combat peut commencer.

S’ensuit une bataille, presque une rixe entre le poisson furieux de s’être laissé surprendre et qui ne veut pas abandonner un pouce de terrain et le pêcheur à peine réveillé mais qui veut par-dessus tout voir ce monstre qui le secoue, le tire, voudrait s’en aller. Après plusieurs autres rush et deux ou trois dizaines de minutes, le grand poisson abdique, il dégaze (lâcher de bulles qui lui permet d’équilibrer la pression de l’eau avec sa vessie gazeuse) et commence à monter.
-« Il est gros, plus de deux mètres, s’écrie Le Serpent belge, c’est peut-être mon record ! ».
Le poisson arrive près du bateau, il est pris par la mâchoire inférieure par les deux pêcheurs puis hissé à bord. Un rapide coup de mètre ; un peu plus de deux mètres dix. Ils retournent vers le camping, heureux et fiers du superbe poisson. Arrivés, ils l’encordent (technique qui consiste à passer une corde par l’ouïe du poisson afin de l’attacher) et le remettent à l’eau, solidement tenu au bout de trois mètres de corde, à l’ombre d’un grand figuier afin qu’il récupère de cette rude bagarre. Deux heures plus tard, après avoir rameuté tous ceux qui s’était dispersés, ils pouvaient enfin savourer le bonheur de cette capture en lui faisant une séance photo que n’aurait pas désavouée Adriana Karembeu ou Naomie Campbell… Sauf qu’elles, après, on ne les remet pas dans l’eau…
Le petit groupe le porta alors doucement, presque religieusement, au bord de ce Petit Rhône où il était né et le remirent enfin dans son élément naturel, avec quand même, encore une bonne centaine de photographies… Il partit doucement, peut-être les remerciant de ne pas avoir pris sa vie…

Le reste du séjour fut comme le début, quelques petits poissons, quelques espoirs déçus… Mais finalement, n’avaient ils pas tous été récompensés par cette capture et les inévitables souvenirs communs ; par ces liens qui, peu à peu, s’étaient tissés entre eux. Ne serait-ce point cela l’amitié ? Le pêcheur est, bien souvent, solitaire mais là, ils ne se connaissaient pas en arrivant et pourtant, pourtant, c’est sûr, ils n’oublieront pas, même s’ils prennent d’autres poissons plus gros encore, ce silure, ces jours heureux, cette ambiance de partage et d’espoirs communs.

Je suis sûr qu’en partant, en rentrant vers le travail, les ennuis quotidiens, dans leur voiture au milieu des embouteillages du 1er mai, ils avaient tous en tête la même chanson de Georges Brassens…

« Non, ce n’était pas le radeau de la Méduse, ce bateau,………. Les copains d’abord »







Un grand pardon à ceux que je n’ai pas cité dans cette petite histoire ainsi qu’à ceux que j’ai décrit et dont j’ai pu blesser l’amour propre.

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